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CA/23-0240

Non fondée Commission d'appel Commission d'Appel Autre décision directeur
AUTRE DECISION DIRECTION - DROIT A LA SANTE

Le droit à la santé est un droit fondamental consacré par la loi de principes et de nombreux instruments juridiques nationaux et internationaux.

L’article 5 §1 de la loi de principes créé dans le chef de l’administration l’obligation de veiller à ce que les conditions de détention respectent la dignité humaine, tant sur le plan psychique et physique que matériel (souligné par la Commission d’appel).

Tout détenu peut réclamer une visite médicale pour des raisons de santé.

Les soins de santé à prodiguer aux détenus le sont, en première ligne, au sein de la prison par le personnel médical y attaché (souligné par la Commission d’appel). L’importance du personnel médical et infirmier attaché aux prisons varie toutefois selon les établissements pénitentiaires. L’insuffisance des effectifs est fréquemment dénoncée.

Selon la Cour européenne des droits de l’homme, il n’est pas suffisant que le détenu soit examiné et qu’un diagnostic soit établi, mais il faut en outre qu’une thérapie correspondant au diagnostic et une surveillance médicale adéquate soient mises en œuvre par un personnel qualifié (souligné par la Commission d’appel).

(i) En ce qui concerne la décision de suspension du SAD : la décision de suspension étant prise par le SAD, elle ne constitue pas une décision/omission de décision prise par la direction de sorte qu’elle n’entre pas dans le champ d’application du droit de plaintes.

(ii) En ce qui concerne le suivi psychologique, psychiatrique et ergothérapeutique de l’appelant

Le manquement des autorités à fournir à un détenu l’assistance médicale dont il a besoin peut engager leur responsabilité si celui-ci a entrepris des démarches raisonnables en vue de l’obtenir . Inversement, l’article 3 ne saurait pas s’interpréter, d’après la Cour européenne des droits de l’homme, comme exigeant de satisfaire à tous les vœux et préférences d’un détenu en matière de soins médicaux. Les exigences pratiques d’une détention légitime peuvent impliquer des restrictions qu’un détenu se devra d’accepter .

En l’espèce, l’appelant dit qu’il ne cesse de demander un suivi médical à l’intimé qui néglige ses demandes ou les refuse. Selon l’appelant, à défaut de personnel médical compétent dans la prison, il est contraint de faire appel à des spécialistes qu’il refuse de prendre en charge à ses frais. De plus, il sollicite une hospitalisation d’urgence.

Dans sa demande, l’intimé dit que :
- L’appelant est autorisé à recevoir de la visite d’un psychiatre et d’un ergothérapeute de son choix, à ses frais ;
- Lorsque le service médical estime que sa demande ne peut être traitée au sein de la prison, une extraction médicale est programmée ;
- Elle rajoute : « Monsieur B. a refusé une extraction médicale en date du 18/10/2023 car il était convoqué au palais, ce rendez-vous n’a pas pu être fixé avant janvier 2024 », « un autre rendez-vous médical est prévu à l’hôpital de Saint-Luc à Bruxelles prochainement ».

La Commission d’appel comprend du dossier que, l’appelant ne demande pas l’intervention d’un psychologue et/ou un psychiatre qui soit nécessairement externe à la prison, mais uniquement d’un suivi régulier de son état de santé. Il dit ne pas pouvoir bénéficier de ce suivi à la prison et en conséquence, être contraint de devoir faire appel à des médecins en dehors de celle-ci.

Autoriser l’appelant à faire intervenir un psychiatre et/ou un ergothérapeute externe ne suffit pas à satisfaire l’obligation qui incombe à l’intimé en matière de soins de santé.

De plus, le jugement rendu par le tribunal de première instance à l’égard de l’état de santé de l’appelant confirme la nécessité d’un suivi psychologique de celui-ci par un médecin au sein de la prison ou se déplaçant dans l’établissement.

Il ressort du dossier, que l’appelant a régulièrement demandé un suivi psychologique par le médecin de la prison et qu’aux mois de mai et juin, l’intimé répond à plusieurs reprises en disant que d’autres détenus sont inscrits avant lui sur la liste des consultations (cf. messages prison cloud des mois de mai et juin).

Quelques mois plus tard, soit au mois de septembre, l’appelant semble pouvoir voir le médecin plus régulièrement. Il indique néanmoins que lorsque l’intimé lui répond qu’il est sur la liste des consultations, il n’est en réalité pas vu par le médecin.

L’article 93 de la loi de principes prévoit que lorsqu’un détenu a besoin d’un examen diagnostique ou d’un traitement spécialisé médicalement recommandé pour lequel la prison n’est pas, ou pas suffisamment, équipée, il est transféré, à la demande du médecin attaché à la prison, vers une prison spécialisée ou orienté vers un hôpital ou un établissement de soins disposant des équipements requis.

La Cour européenne va plus loin en affirmant que les obligations découlant de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme peuvent aller jusqu’à imposer à l’Etat de transférer des détenus vers des établissements adaptés afin qu’ils puissent bénéficier des soins appropriés, lorsque la prise en charge n’est pas possible sur le lieu de détention .

Un certificat du Docteur L. J-B. du 6 septembre 2023 indique que l’état de santé de l’appelant n’est plus compatible avec sa détention préventive. Il « sollicite qu’il soit réadressé de toute urgence vers un psychiatre (…) ainsi que vers les soins ergothérapeutes comme recommandé dans mes précédents certificats. Il y a un risque de décompensation avec les conséquences qui résultent de cet état médical accentué par l’absence de soins ».

L’urgence d’un suivi médical est indéniablement démontrée.

Un tel suivi ne semble pas assuré à la prison.

La Commission d’appel tient à souligner le transfert des soins de santé pénitentiaire vers le SPF Santé publique. Depuis le 1er janvier 2023, les détenus sont intégrés dans l’assurance-malmaladie obligatoire : tout détenu (prévenu, condamné, interné) est dès à présent affilié et assuré auprès d’une mutuelle ou de la caisse auxiliaire d’assurance maladie-invalidité. Tous les soins médicaux prodigués en dehors de la prison pendant la détention (exemple : hospitalisation ou consultation d’un spécialiste externe), sont désormais pris en charge par la caisse d’assurance maladie .

En définitive, il revient à l’intimé de permettre à l’appelant de bénéficier d’un suivi régulier et adéquat tant sur le plan psychologique que sur le plan psychiatrique, au sein de la prison ou à défaut, en dehors, et ce, indépendamment de la prise en charge de ses frais, par l’appelant.