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CP36/24-0624

Fondée CP - Haren Commission des plaintes Mesure provisoire Disciplinaire Fouille à corps
FOUILLE AU CORPS - MESURE PROVISOIRE - DISCIPLINAIRE - OBJETS INTERDITS - IMAGES CAMERAS - DROITS DE LA DEFENSE

Concernant la première fouille au corps

Malgré un rappel, la direction n’a pas transmis de copie de la décision de fouille au corps. Ainsi, la commission des plaintes n’est pas en mesure de s’assurer ni de la légalité ni de l’opportunité de la fouille au corps. L’absence de cette possibilité de contrôle suffit à annuler la décision contestée. Par ailleurs, le plaignant dénonce la manière dont la fouille au corps a été exécutée, faisant notamment valoir ce qui suit :
- A aucun moment il n’a reçu un essuie ;
- Il a reçu un coup de pied d’un agent ;
- Un agent a tenté de l’étrangler, de sorte qu’il s’est débattu ;
- Il s’est retrouvé la face contre terre avec six agents sur lui ;
- Pendant toute l’altercation, le plaignant était nu et ils lui ont touché ses parties intimes.

Pour rappel, la fouille au corps ne peut avoir un caractère vexatoire et doit se dérouler dans le respect de la dignité du détenu . L’annexe 3 de la Lettre Collective n°141 du 30 janvier 2017 concernant la fouille au corps précise les modalités pratiques d’exécution de la fouille.
Les autorités qui sont confrontées à des allégations crédibles de mauvais traitements ont l’obligation de diligenter une enquête sérieuse et effective. En l’espèce, la direction se fonde uniquement sur le rapport d’intervention rédigé par les agents du SICAR et n’a pas cherché à investiguer davantage, alors que le plaignant avait notamment sollicité le visionnage des images caméras et fait état de plusieurs blessures.
En outre, le rapport d’intervention est lui-même contradictoire dans la mesure où d’une part, il est indiqué « aucun agent blessé » et d’autre part, « l’agent T. a été blessé au niveau de la main ». Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, la plainte est fondée. La fouille au corps du 21 octobre 2024 est annulée.

Concernant la mesure provisoire

Le plaignant se plaint de la manière dont le placement en cellule sécurisée a été exécuté. Dans la continuité de la fouille au corps évoquée ci-avant, le plaignant a fait l’objet d’une « « procédure de déshabillement non-coopérant » à son arrivée en cellule d’isolement sécurisée, soit un moyen de coercition et de contrainte réalisé en vertu de la circulaire ministérielle 1810. Cette circulaire n’invoque, à aucun moment, le fait de mettre le plaignant à nu, d’autant qu’en l’espèce, le plaignant venait de faire l’objet d’une fouille au corps et que les agents l’avaient rhabillé pour effectuer son transfert vers la cellule d’isolement sécurisée.
Il est de jurisprudence constante qu’une fouille à nu systématique pour placement en cellule nue ou cellule sécurisée est interdite.
Le placement en cellule nue ne peut suffire à motiver une décision de fouille à corps. En tout état de cause, aucun document de fouille n’a été remis au détenu.
En outre, le rapport du médiateur fédéral, il y a 5 ans, épinglait déjà ce type de pratique et émettait dès lors la recommandation suivante : « RO 19/23 : la procédure de mise en isolement par l’équipe d’intervention doit être modifiée de sorte que l’usage de la contrainte pour la fouille à nu ne soit plus systématique. ».
Ainsi, la mesure provisoire a été exécutée de manière illégale et doit dès lors être annulée. La plainte est fondée concernant la mesure provisoire du 21 octobre 2024.

Concernant la sanction disciplinaire

Le plaignant et son conseil ont demandé le visionnage des images caméras lors de l’audition disciplinaire. Le conseil du plaignant avait par ailleurs également formulé cette demande de visionnage en vue de l’audition par un courriel du 22 octobre 2024 et ensuite encore en date du 27 octobre 2024.
Durant l’audition disciplinaire, la direction a répondu ce qui suit : « Je n’ai pas visionné les caméras et je ne vais pas le faire dans le cadre de cette procédure. Vous pouvez porter plainte à la police ». La direction n’explicite pas davantage les raisons du refus de cette demande.

Dans le cas présent, la direction n’a pas cherché à investiguer davantage malgré les contestations formelles du plaignant et ses demandes insistantes de visionner les images des caméras de surveillance. En l’espèce, la direction n’a pas motivé, dans la décision contestée, les raisons pour lesquelles elle n’a pas fait droit à la demande du plaignant de visionner les images caméras. Dans ces circonstances, les droits de la défense n’ont pas été respectés (cf jurisprudence du Conseil d'Etat à cet égard), ce qui suffit à annuler la sanction.

En outre, par son arrêt n° 240.366 du 9 janvier 2018, le Conseil d’État a considéré qu’un visionnage contradictoire des images de la vidéosurveillance n’était pas requis lorsque la matérialité des faits reprochés n’était pas contestée et que le recours aux images n’était pas destiné à établir la matérialité des faits . A contrario, si la matérialité des faits est contestée par le plaignant et si le recours aux images est destiné à tenter d’établir cette matérialité des faits, il convient de procéder au visionnage contradictoire des images.
En l’espèce, à partir du moment où le plaignant conteste une partie des faits qui lui sont reprochés et que le recours aux images aurait pu permettre d’établir ou non la matérialité des faits, le recours au visionnage des images caméras était justifié. A cet égard également, les droits de la défense n’ont pas été respectés.

Enfin, par un courriel du 21 novembre 2024, la Commission des plaintes a sollicité de pouvoir visionner ces images à l’audience du 2 décembre.
Le 27 novembre 2024, la direction a toutefois refusé de faire droit à cette demande.
Le 28 novembre 2024, la Commission des plaintes a transmis la direction la communication de la DG du 30/09/2020 qui rappelle notamment le principe suivant :
« Lorsque la Commission de Surveillance (ou des plaintes/d’appel des plaintes) demande l’accès aux images caméras et que celles-ci sont disponibles, l’accès doit lui être donné. La demande doit être raisonnable et suffisamment précise. Cependant, il n’appartient pas à la prison de vérifier ou de remettre en cause les motifs sur lesquels reposent ladite demande. »

Tenant compte de l'ensemble des éléments qui précèdent, la Commission des plaintes constate que la direction a violé les droits de la défense du plaignant à plusieurs égards. Pour ces raisons, la plainte est fondée concernant la sanction disciplinaire du 24 octobre 2024. Il y lieu d’annuler cette sanction et de supprimer cette sanction du registre disciplinaire du plaignant.

Concernant la seconde fouille au corps et la mesure de coercition directe

En se limitant à mentionner le placement au Time out comme motif de la fouille, la direction fournit un motif stéréotypé, susceptible de s’appliquer à n’importe qui, et contraire à la loi et la jurisprudence.

Le plaignant explique également avoir été extrait violement de sa cellule, mis à nu et attaché avec des vêtements. Ne parvenant pas à se détacher seul, il a dû être détaché par l’équipe de nuit quelques heures plus tard, ce que la direction reconnait. Or, il ne ressort pas du dossier que le plaignant ait refusé de de coopérer. La direction ne produit aucun rapport faisant état d’un incident ou d’une quelconque violence de la part du plaignant. Cette intervention semble uniquement justifiée par le fait de devoir replacer le plaignant en cellule de punition en raison d’une erreur du personnel qui aurait mis fin à la sanction trop tôt, ce qui ne nécessite pas, a priori, l’intervention de l’équipe du Sicar avec la mise en place de la procédure « non-coopérant ».

Ainsi, sur la base des éléments en possession de la Commission des plaintes, la seconde fouille au corps ainsi que l’usage de la force et le recours aux moyens de coercition n’étaient aucunement justifiés et sont illégaux. La plainte est fondée concernant la fouille au corps du 24 octobre 2024 ainsi que les moyens de coercition utilisés.