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CP36/24-0232

Fondée Compensation CP - Haren Commission des plaintes Disciplinaire
DISCIPLINAIRE - SANTE - SUBSIDIARITE

Le plaignant a été sanctionné de 6 jours d’IES sur la base de deux infractions disciplinaires, à savoir :
 Atteinte intentionnelle à l’intégrité psychique de personnes ou la menace d’une telle atteinte (1ère catégorie) ;
 Le fait d’occasionner des nuisances sonores qui entravent le bon déroulement des activités de la prison (2ème catégorie) ;

Concernant la première infraction retenue, la direction coche l’infraction d’atteinte intentionnelle à l’intégrité « psychique » ou la menace d’une telle atteinte, mais ne motive pas sa décision et n’explique en quoi les faits sont de nature à porter atteinte à la dignité d’autrui , de sorte que la motivation de la décision attaquée ne permet pas au plaignant de comprendre quel comportement est constitutif de cette infraction (la Commission des plaintes cite à cet égard la jurisprudence du Conseil d'Etat). Cette infraction ne pouvait être retenue à l’encontre du plaignant, en ce qu’elle n’est pas suffisamment motivée.

En tout état de cause, le comportement du plaignant ne constituait donc en rien une atteinte intentionnelle mais bien la conséquence d’un état de panique lié à une condition médicale. Cette infraction n’est dès lors pas établie non plus en ce que le caractère intentionnel fait défaut.
Au contraire, le plaignant explique qu’il était, au moment du fait qui lui est reproché, en train de faire une crise d’asthme et qu’il demandait depuis deux heures que l’on vienne l’aider. L’agente qui serait intervenue lui aurait dans un premier temps uniquement intimé d’arrêter de frapper, ce qui a augmenté son état d’angoisse et n’a fait qu’aggraver sa détresse médicale.
A cet égard, la cause d’excuse de l’état de nécessité doit bénéficier au plaignant en l’espèce, tout comme pour la seconde infraction (voir plus bas).
Partant, cette première infraction n’est pas établie.

Le plaignant ne conteste pas les faits concernant la seconde infraction ; il reconnait avoir occasionné des nuisances sonores afin qu’on lui vienne en aide. Cependant, une cause de justification doit bénéficier au plaignant en l’espèce : le plaignant souffrait d’une crise d’asthme et appelait à l’aide depuis 2 heures, en vain. Cet état médical, de même que l’épisode du premier passage de l’agente, est établi par le rapport disciplinaire et n’est pas contesté par la direction.

Selon la doctrine médicale produite par le conseil du plaignant, une crise d’asthme se traduit par une sensation d’étouffement et d’oppression. Une sensation pouvant être extrêmement angoissante pour la personne, d’autant plus si celle-ci perdure et qu’elle ne dispose pas du moyen de la traiter. La crise peut constituer une urgence vitale.

Comme le relève le conseil du plaignant, la grève prolongée en cours au sein de la prison rend des plus crédibles les déclarations du plaignant indiquant qu’il a frappé durant deux heures à son guichet avant qu’une gardienne ne s’en rende compte et dans un premier temps, n’intervienne pas, autrement qu’en lui disant de se calmer (alors que le plaignant se trouvait en situation d’urgence vitale !).

Les causes de justification ont pour effet de rendre licite un fait normalement illicite. Bien que n’étant pas expressément consacré par le Code pénal, l’état de nécessité constitue une cause de justification. Le fondement en est le conflit de valeur qui se présente à la personne en cause. Une mise en balance des intérêts doit être opérée par cette personne qui ne pourra être poursuivie si elle commet une infraction dans le but d’éviter qu’un dommage plus important ne se produise.

En l’espèce, les nuisances sonores occasionnée par le plaignant, pour éviter de risque de mourir de maison de sa crise d’asthme, correspondent tout à fait à cet état de nécessité puisqu’il commet en effet une infraction pour éviter un dommage bien plus conséquent, à savoir l’atteinte à sa vie.

La Commission des plaintes rejoint l’argument du plaignant en ce que la survenance de cette crise d’asthme, conjugué au manque de personnel au sein de la prison suite à la grève prolongée, constitue un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur au plaignant. Ce faisant, elle constitue en effet un cas de force majeure.
Comme son conseil l’indique, le plaignant s’est retrouvé, du fait de la survenance de cet évènement, dans une situation d’« état de nécessité », devant faire la balance entre ce qu’il percevait comme un risque pour sa vie et le respect de la loi de principes. Face à un tel choix, il a opéré une nécessaire mise en balance des intérêts en cause qui ne saurait en rien lui être reproché.
Partant, cette seconde infraction n’est pas établie non plus puisqu’elle est rendue licite par cet état de nécessité.

Pour ces raisons, la cause de justification doit bénéficier au plaignant concernant les deux infractions.

En outre, la sanction prononcée a été prise en violation de l’article 143 de la loi de principes, qui prévoit que, pour déterminer la nature et le degré de la sanction disciplinaire, il est tenu compte de la gravité de l'infraction, des circonstances dans lesquelles elle s'est produite, des circonstances atténuantes et des mesures provisoires qui ont été éventuellement imposées.
En l’espèce, la direction n’a aucunement tenu compte des circonstances dans lesquelles l’infraction s’est produite : le plaignant se trouvait à ce moment-là dans un état d’angoisse extrême, craignant, à juste titre, pour sa vie.

Enfin, pour le surplus et en tout état de cause, la direction aurait dû appliquer, à tout le moins, le principe de subsidiarité et ne pas sanctionner le plaignant.
En effet, le recours à la procédure disciplinaire doit être limité aux situations dans lesquelles le maintien de l'ordre et de la sécurité de l'établissement le justifie de manière impérieuse et qu'aucun autre moyen ne peut être employé pour l'assurer. La procédure disciplinaire est subsidiaire aux autres modes de restauration de l’ordre et la sécurité.

En l’espèce, il y a lieu de tenir compte des éléments suivants :
 Le plaignant se trouvait dans une situation extrêmement angoissante due à sa crise d’asthme ; il s’agissait d’une situation d’urgence vitale ;
 Il a vainement demandé de l’aide durant deux heures ;
 L’agente qui est finalement intervenue lui a dans un premier temps intimé d’arrêter de frapper, sans lui venir en aide, ce qui n’a fait qu’aggraver son état d’angoisse.
 Le plaignant n’a été entendu que le 19 avril 2024 pour des faits survenus le 10 avril 2024, ce qui ne fait que renforcer le fait qu’une sanction n’était pas nécessaire pour le maintien de l’ordre et de la sécurité.
Aucun élément ne justifiait de manière impérieuse le recours à la procédure disciplinaire, que du contraire.

Par conséquent, outre le fait que les infractions ne sont pas établies, le plaignant bénéficiait d’une cause de justification (il se trouvait en état de nécessité) et la direction n’a pas non plus respecté l’article 143 de la loi de principes, ni le principe de subsidiarité.

Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, la plainte est fondée.

Il y a lieu d’annuler la sanction disciplinaire et de la supprimer la sanction disciplinaire du registre disciplinaire du plaignant.