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CP15/24-0011

Fondée CP - Lantin Commission des plaintes Fouille à corps
FOUILLE AU CORPS - COMPENSATION

Concernant la recevabilité de la plainte, pour rappel, en vertu de l’article 148 de la loi de principes, « un détenu peut se plaindre auprès de la Commission des plaintes de toute décision prise à son égard par le directeur ou au nom de celui- ci. L'omission ou le refus de prise de décision dans un délai légal ou, à défaut, dans un délai raisonnable, sont assimilés aux décisions visées à l'alinéa 1er.
Autrement dit, pour être recevable, la plainte du détenu doit concerner :
- Une décision prise à son égard ;
- Par le directeur ou au nom de celui-ci.
Il s’agit de deux conditions cumulatives.
D’après la direction, il n’y a pas eu de fouille au corps ; elle considère n’y a dès lors pas de décision prise par la direction, elle estime que la plainte est par conséquent irrecevable.
D’après le plaignant, il y a bien eu une fouille au corps.

La Commission des plaintes a sollicité l’audition du témoin cité dans le RAD, l’agent G., conformément à l’article 154, §3 de la loi de principes. Son audition n’a pas été possible, l’agent G. étant indisponible aux dates proposées par la Commission des plaintes.

En tout état de cause, les déclarations du plaignant sont tellement précises et circonstanciées qu’elles ne laissent pas de doute quant au fait qu’une fouille au corps a bien eu lieu.

A l’audience, le plaignant a par ailleurs déposé un certificat médical attestant de lésions (certificat établi le 18 février 2024 établi à 8h, faisant état de plusieurs hématomes sur les bras, l’épaule et d’une contusion sur la pommette droite ; 5 hématomes au total), lequel vient corroborer sa version des faits et renforce dès lors la crédibilité de l’existence d’une fouille au corps. Le plaignant a par ailleurs porté plainte auprès de la police, à l’encontre de cet agent.

L’agent ayant procédé à la fouille au corps a agi sans l’autorisation de la direction. Il a pris une décision qui relève pourtant de la seule compétence de la direction.
A cet égard, il a déjà été jugé qu’une décision peut être considérée comme une décision prise au nom de la direction dès lors que :
- La direction exerce une autorité sur cet agent pénitentiaire ;
- L’agent pénitentiaire a agi conformément aux règles de gestion et d’organisation mises en place au sein de la prison et ce, dans le cadre d’un lien hiérarchique avec la direction.
- La décision relève de la compétence de la direction.
En l’espèce, ces trois conditions cumulatives sont remplies.
Pour ces raisons, la plainte est recevable. La Commission des plaintes peut se prononcer sur le contenu de la plainte.

Concernant le fondement de la plainte, en l’espèce, aucune décision de fouille au corps n’a été prise par la direction, alors que le plaignant a pourtant fait l’objet d’une fouille au corps dans la douche. Cette fouille au corps est donc illégale.
Elle a été effectuée en violation de l’article 108, §2 de la loi de principes, qui prévoit que : « Le détenu est fouillé au corps quand le directeur estime qu'il y a des indices individualisés que la fouille des vêtements ne suffit pas à atteindre le but décrit au § 1er, alinéa 2. Le directeur remet sa décision par écrit au détenu au plus tard vingt-quatre heures après que la fouille a eu lieu. […] »
A cet égard, il a d’ailleurs déjà été jugé que : « En l’espèce, non seulement la fouille contestée n’a fait l’objet d’aucune décision, mais en plus la direction déclare ne pas avoir été informée de cette fouille, ce qui est tout à fait contraire à l’article 108, §2 précité puisque les fouilles au corps sont des décisions qui doivent être prises par la direction, et non par les agents pénitentiaires. »

Outre le fait que la fouille au corps s’est déroulée sans faire l’objet d’une décision écrite et motivée prise par la direction, la fouille s’est déroulée dans des conditions contraires à la dignité humaine et de façon vexatoire et humiliante. La fouille est dès lors contraire à l’article 108, §3 de la loi de principes, qui prévoit que : « § 3. La fouille des vêtements et la fouille à corps ne peuvent avoir un caractère vexatoire et doivent se dérouler dans le respect de la dignité du détenu. ».

En l’espèce, l’agent a passé ses doigts entre les fesses du plaignant, il lui a porté plusieurs coups et lui a abaissé son slip après l’avoir mis au cachot.
Il en ressort que le prescrit légal de l’article 108, §3 n’a pas été respecté.
Pour ces raisons, la plainte est fondée. La fouille au corps est annulée.

Concernant la compensation, le plaignant sollicite à titre de compensation le fait de regagner le niveau 6 avec le chef S.
Toutefois, si la Commission est susceptible d’apprécier la légalité, l’équité et le caractère raisonnable d’une décision de la direction ayant pour objet un changement de section, elle pourrait difficilement, de sa propre initiative, décider, à l’occasion d’une demande de compensation, qu’il est opportun de placer le détenu dans telle ou telle section qu’il choisit.
Ce faisant, la Commission se substituerait à la compétence et à la responsabilité du directeur de maintenir l’ordre au sein de la prison (article 105 §2 de la loi de principes), le placement du détenu relevant du bon ordre au sein de la prison. La Commission des plaintes ne peut dès lors faire droit à la demande de compensation du plaignant.